Depuis 25 ans, le secteur de la recherche a fait de grands pas dans la compréhension des phénomènes liés à la gestion de la vapeur d’eau, et pourtant plusieurs points des textes de références (DTU…) et des avis techniques ne sont pas encore au diapason de ce savoir. Cet écart est encore plus important lorsque l’on réalise certaines habitudes de travail et certains gestes de chantier qui persistent.
Si la situation semble maitrisée avec l’isolation extérieure, c’est moins le cas pour l’isolation des rampants, et encore moins pour l’isolation intérieure.
De nombreux professionnels peuvent être perdus, par exemple pour réaliser un choix entre pare-vapeur, frein de vapeur, membrane hygrovariable ou membrane orientée, alors que l’on connait les solutions qui génèrent les parois les plus robustes.
Avec l’expertise de Samuel Courgey, cette Bulle des 2 Rives de rentrée a vocation d’acculturation et d’alertes sur le sujet « isolation et gestion de la vapeur d’eau », et d’apports d’élément concrets pour réaliser des isolations pérennes.
En ITE, ITI et isolation des rampants, changeons nos habitudes au regard des connaissances que nous avons accumulées sur le sujet, pour ne pas refaire les mêmes erreurs !
Une transformation qui nécessitera aussi de s’affranchir de certaines règles comme les fameux 1/3 2/3 en ITE en complément d’ITI.
Focus sur l’isolation extérieure et l’isolation des rampants. Où l'on réalise qu’il existe plusieurs écoles sur le sujet, selon que l’on prenne en référence ce que le monde de la recherche sait désormais, ou ce que l’on estimait savoir il y a 25 ans, ou 50 ans.
Focus sur l’isolation intérieure, et sur une situation nouvelle mais qui va se répéter largement : pose d’une ITE en complément d’une ITI existante.
Après la Bulle #16 : Isolants biosourcés : mythes et réalités, Samuel Courgey revient sur un de ses sujets phares : la gestion de l’humidité.
Samuel a récemment participé à un programme de recherche financé par l’Ademe sur la performance en maison individuelle après rénovation (« PerfInMind 1 et 2 ») dans lequel un lot était dédié au sujet de l’humidité. Ce travail de veille technique et de repérages a permis de confirmer ce qu’avaient identifié Samuel Courgey et Jean-Pierre Oliva il y a 15 ans quand ils ont écrit « L’isolation thermique écologique ».
Si la situation semble maîtrisée avec l’isolation extérieure, c’est moins le cas pour l’isolation des rampants, et encore moins pour l’isolation intérieure.
5 sources d’humidité : pluie, remontées capillaires, eau contenue dans les matériaux, inondations & accidents domestiques, vapeur d’eau.
Sur les 4 premières sources, globalement on sait faire, car les savoir-faire nécessaires pour les gérer n’ont pas été révolutionnés par rapport aux savoir-faire ancestraux.
Alors que sur le sujet de la vapeur d’eau, on ne peut pas répéter ce que faisaient nos ancêtres, car il n’y avait pas de problème.
Il n’y avait pas de problème avant le chauffage central !
Dans la saison froide, on faisait du feu, on avait des baies vitrées qui n’étaient pas étanches à l’air, on avait un renouvellement de l’air très fort.
Nos habitudes de confort ont complètement changé la donne.
Nos activités quotidiennes produisent de la vapeur d’eau (respiration, transpiration, cuisine, lessive, douche…). Si le renouvellement de l’air n’est pas suffisant, on peut se retrouver dans des situations potentiellement problématiques. A cela s’ajoute la question de l’étanchéité à l’air des parois.
Il est donc nécessaire pour limiter les risques de condensation, de :
En ITE, en période froide, on peut voir apparaître le point de rosée : phénomène de condensation par saturation de vapeur d’eau, lorsque la quantité de vapeur d’eau intérieure chercher à migrer vers l’extérieur, mais se retrouve bloquée par un air plus froid incapable de contenir beaucoup de vapeur d’eau.
Cela se passe donc dans la partie froide des parois, donc dans la partie externe de l’isolant.
Avantage par rapport à l’ITI : quand on isole un mur par l’extérieur, il n’est plus froid en hiver et n’est plus l’objet d’humidification du fait du point de rosée.
Pour éviter ce problème du point de rosée dans l’isolant, il est nécessaire d’avoir un matériau ouvert à la vapeur d’eau.
Cependant, beaucoup de sinistres dans les années 70-80 ont eu lieu, remettant en cause des enduits qui n’étaient pas capillaires.
L’ensemble des textes et avis techniques sont désormais au fait de tous ces éléments.
Il existe des logiciels qui n’intègrent pas le comportement capillaire des matériaux, tel que Ubakus, logiciel intéressant pour calculer le U d’une paroi et pour calculer la pertinence d’une paroi par rapport à son comportement estival. Sur le volet humidité, ce logiciel utilise une méthode de simulation qui n’est pas fiable aussitôt qu’il y a des éléments maçonnés ou des enduits.
Dans les rampants, les experts sont d’accord sur le fait que le matériau qui sépare l’isolant de l’air extérieur doit être très ouvert à la vapeur d’eau, et il faut une étanchéité à l’air côté intérieur.
Au fil du temps plusieurs possibilités ont été mise en œuvre pour tenter de régler cette problématique : le pare-vapeur, le frein-vapeur, la membrane hygrovariable ou membrane orientée qui reste selon Samuel, la meilleure solution à ce jour.
La gestion de la vapeur d’eau en ITI est plus complexe, et les points de vigilance sont nombreux, et dépendent de la sensibilité des matériaux, et des interfaces entre matériaux.
Il est donc nécessaire de respecter les textes de référence et les avis techniques qui sont spécifiques à chaque type de mur ou d’isolant.
Excepté dans le cas de la mise en œuvre d’un pare-vapeur en ITI. En effet, une préconisation de l’AQC Agence Qualité Construction est en contradiction avec la plupart des avis techniques, car elle indique la nécessité de garder une capacité de séchage côté intérieur. Or le fait de mettre un pare-vapeur limite fortement l’assèchement côté intérieur, et de ce fait, fait prendre un risque au mur et à l’isolant.
Et ce risque est décuplé avec les isolants biosourcés qui sont pérennes uniquement si on leur laisse une réelle capacité à sécher.
D’où vient cette règle « 1/3 – 2/3 » ?
La règle est basée sur le constat que le point de rosée se trouve dans la partie froide, et autorise la pose de la membrane d’étanchéité à l’air dans l’épaisseur de la couche isolante.
Cette règle est également intéressante en ITI car elle permet d’éloigner la membrane d’étanchéité à l’air du parement intérieur, donc permet de réduire les risques de dégradations.
Est-ce que les enduits peuvent remplacer les membranes?
Les enduits sur ITE sont des enduits très techniques, importance de suivre les avis techniques.
Le couple isolant / enduit ne s’improvise pas du tout
Les enduits peuvent dans certains cas remplacer les membranes d’étanchéité à l’air, avec des enduits à base de terre ou de chaux, en ITI, à condition de ce ne soit pas un enduit qui fissure ou qu’il ne soit percé du fait des installations électriques…
Quid de la gestion de la vapeur d’eau dans les bâtiments climatisés ?
Quand un bâtiment est climatisé, il faut vérifier la composition des parois, et s’il y a des matériaux sensibles qui sont dans un espace sensible.
C’est peut-être une invitation à ne pas trop refroidir le bâtiment l’été, être raisonnable sur la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur, et gérer la quantité de vapeur d’eau à l’intérieur.
Les centrales de traitement de l’air et les systèmes de ventilation / brumisation pour apporter du frais sont préférables à des systèmes de climatisation.
Dans le contexte du réchauffement climatique, avec des températures estivales pouvant atteindre 40 °C et un confort intérieur recherché autour de 24 °C, quelle solution est la plus adaptée pour la gestion de la vapeur d’eau dans les parois ?
Pour des bâtiments climatisés, la membrane hygrovariable ou membrane orientée est une très bonne solution car elle permet d’empêcher la vapeur d’eau de rentrer dans les parois et n’empêche pas la paroi intérieure de sécher.
Quid des isolants biosourcés en ITI ?
La technique la plus séduisante en ITI est la ouate de cellulose car elle est réellement hygroscopique et très capillaire, et pour aller plus loin, on peut même s’orienter sur la ouate de cellulose en projeté humide.
Les industriels ne mettent pas vraiment en avant cette technique de projeté humide car cela apporte de nombreuses contraintes et nécessite des professionnels très compétents et formés sur la technique.
Il y a d’autres matériaux très adaptés qui sont cependant accompagnés d’avis techniques qui demandent dans la très grande majorité des cas la mise en place d’un pare-vapeur, et cela est une erreur !
Dans les techniques qui peuvent convenir, il y a également le béton de chanvre (voir Bulle #16 : Isolants biosourcés : mythes et réalités), il est pertinent en ITI en réhabilitation car il est très capillaire, il permet donc un assèchement aisé côté intérieur.
Qu’en est-il de l’utilisation des OSB (étanchéité à l’air, frein vapeur, projets PassivHaus, habitudes d’utilisation en Belgique/Allemagne différentes…) ?
En France, nous avons pris l’habitude de mettre l’OSB côté extérieur dans des parois bois. L’OSB n’est pas vraiment fermé à la vapeur d’eau mais il n’est pas très ouvert à la vapeur d’eau, donc vis-à-vis de notre problématique du jour, la place de l’OSB est plutôt côté intérieur, ce qui est le cas dans de nombreux pays, mais cela nécessite que les entreprises réorganisent leurs façons de travailler.
L’OSB peut faire l’étanchéité à l’air s’il est posé avec grand soin et si on met de l’adhésif sur les jonctions entre les panneaux. En construction passive, certains optent aussi pour l’ajout d’une membrane même quand il y a un OSB côté intérieur scotché avec de l’adhésif.
Que faire lorsque le bureau d’études ou bureau de contrôle nous impose la mise en place d’un pare-vapeur ?
La logique du pare-vapeur se tient si le pare-vapeur est posé de manière impeccable et garde son intégrité dans le temps.
Si le bureau d’études ou bureau de contrôle vous demande de mettre en place un pare-vapeur à la place d’une membre hygrovariable, il faut alors lui demander de faire une note où il s’engage sur la pérennité de la solution qu’il propose même si le pare-vapeur n’est pas posé à la perfection ou si avec le temps il subit une dégradation. Il faut les mettre les acteurs face à leurs responsabilités.
Cycle de Bulles des 2 Rives « S’affranchir »